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Home staging


L’acquéreur prend sa décision dans les 90 secondes de la visite. De cette idée est né le home staging. Il s’agit d’attirer l’attention sur les points forts du bien afin de le vendre rapidement et au meilleur prix possible. La démarche semble rentable, mais est-ce un effet de mode ou un investissement judicieux ?

Vous êtes sur le point de mettre en vente un bien immobilier ? Si vous ne trouvez pas acquéreur dans les premières semaines, il y a fort à parier qu’un agent immobilier ou une personne de votre entourage vous suggérera de recourir au home staging. Si vous ne connaissez pas encore le sens de l’expression, sachez que les Québécois parlent de « valorisation immobilière » pour ­désigner ce qui est littéralement une « mise en scène du logement » ayant vocation à le vendre rapidement et au meilleur prix possible. Il ne faut pas confondre le home ­staging avec la décoration ­d’intérieur, et encore moins ­l’assimiler à une rénovation du bien destiné à la vente. Il s’agit simplement d’attirer l’attention de l’acquéreur potentiel sur ses points forts. Le tout, avec des moyens dont les home stagers s’accordent à dire qu’ils ne doivent pas dépasser 1 ou 2 % de la valeur du bien. Mais, même si l’investissement est modeste, le home staging est-il rentable ? Nous avons mené l’enquête.

90 % des achats se feraient sur un coup de cœur

« En règle générale, 90 % des achats immobiliers s’opèrent sur un coup de cœur, l’acheteur prend sa décision dans les 90 ­premières secondes de la visite. » Des chiffres avancés par l’ensemble de la profession du home staging, sans que l’on en connaisse exactement la source. Pour autant, chacun est conscient que nombre d’acquisitions immobilières se réalisent bel et bien « à l’affectif » ou, tout au moins, que si la première impression est mauvaise, elle sera difficile à rattraper. La vocation du home staging, pratiqué aux états-Unis depuis des décennies (voir encadré p. 20), et déjà bien installé dans certains pays ­d’Europe du Nord, est de faire bonne impression dès la première visite. Une pratique qui a fait son apparition en France il y a à peine deux ans. Bénéficiant d’un fort relais médiatique, portée par le ralentissement des ­transactions, elle suscite aujourd’hui un véritable engouement.

Les professionnels prennent le concept très au sérieux

Les professionnels de ­l’immobilier montrent leur intérêt. Pour preuve : l’École supérieure de l’immobilier (ESI), filiale à 100 % de la Fnaim, propose pour la seconde année consécutive aux négociateurs et agents immobiliers deux formations d’une journée chacune pour les sensibiliser au home staging, et l’Union des syndicats immobiliers (Unis) vient de conclure un accord de partenariat avec Avéo, premier réseau commercial de home ­staging en France. Les établissements financiers ne sont pas en reste : « Nous y croyons si fermement, déclare Alain Roure, directeur des partenariats BNP Personal Finance/Cetelem que notre offre de financement global “Bon plan revente” destinée aux secundo-accédants et associant crédit relais et crédit à long terme pour la nouvelle acquisition ­permet d’emprunter de 2 000 à 6 000 euros à des conditions ­avantageuses pour financer une prestation de home staging. » Et les sociétés spécialisées dans la transaction immobilière sans intermédiaire (Flatcoach, Immoassistance) ne manquent pas de l’inclure dans leur palette de services d’accompagnement proposés aux particuliers vendeurs. « Nous ne sommes pas dans le registre du plaisir, ni même dans celui de l’esthétisme, mais bien dans l’utile synonyme de rentable, tient à préciser Sylvie Aubin, l’une des leaders du mouvement en France. Elle a lancé son entreprise « En toute sérénité » à la fin 2007, ainsi que le réseau Home Stager Professionnel, qui regroupe des personnes formées par ses soins, un an plus tard. « Nous avons recours à des outils de décoration, mais il s’agit bel et bien d’une démarche marketing », insiste-t-elle. L’objectif est de rendre le bien proposé à la vente le plus neutre possible, afin de ne détourner aucun acheteur potentiel. Cela passe par la dépersonnalisation du cadre de vie (élimination des photos, posters, souvenirs de vacances et collections diverses), le désencombrement des pièces (mise à l’écart des meubles et objets désuets, vétustes ou simplement en surnombre) et l’exécution de menues réparations (rebouchage des traces laissées par les tringles à rideaux et les fixations des tableaux…).

Le home stager n’engage pas sa responsabilité

Les limites du home stager ? Il ne se lancera ni dans l’abattage de cloisons, ni dans un travail de décoration recherché. Il n’encouragera pas non plus le propriétaire à camoufler des désordres en effectuant des travaux de replâtrage, au risque de voir sa responsabilité engagée si l’acquéreur se retourne contre le vendeur en invoquant la garantie des vices cachés. En revanche, le home stager peut se permettre de faire appel à quelques accessoires décoratifs, en faisant abstraction des préférences du propriétaire. Le recours éventuel à certains meubles et objets aura toujours une utilité : éclaircir les zones sombres grâce à un luminaire bien placé, jeter un plaid sur un canapé « rustique » ou défraîchi, accrocher un tableau ou un miroir destiné à animer un mur morose, placer une table et deux chaises de jardin sur un balcon étroit, pour démontrer qu’il est utilisable. Ou bien encore, positionner judicieusement quelques éléments de mobilier pour délimiter une zone salon et un coin repas dans un séjour, greffer quelques ­plaques de gazon sur une pelouse anémiée. Tout au plus, passer un coup de peinture claire sur les placards d’une ­cuisine en bois sombre ou sur les murs d’une chambre rose fuschia… le home stager cherchera toujours à tirer parti de l’existant et il l’organisera de manière à mettre en valeur les espaces et les volumes. Une démarche qui n’est pas forcément naturelle pour un vendeur. Il n’est ainsi pas rare que les ­propriétaires d’un bien mis en vente résilient leur contrat de fourniture d’électricité à leur départ, sans imaginer que le défaut d’éclairage risque de dissuader les visiteurs de prolonger la visite, voire les agents ­immobiliers de le faire visiter !

Des détracteurs tout de même

Les détracteurs du home staging ont toutefois beau jeu d’affirmer que l’on peut se passer des services d’un professionnel, en se contentant de ranger et de nettoyer le bien à vendre, ce qui est, de fait, l’essence même de concept. À tel point qu’en Amérique du Nord, on désigne quelquefois le home staging en le réduisant à son expression la plus simple, mais aussi la plus parlante : « faire les lits »… « Quel automobiliste désireux de vendre son véhicule ne songerait à lui faire subir un sérieux nettoyage, voire un polissage de sa carrosserie afin de le présenter sous son meilleur jour ? Pourquoi, alors, ne pas adopter la même démarche pour son appartement ou sa maison ? », s’interroge William Legrand, ­responsable de la communication au sein du groupe De Particulier à Particulier. « Un certain nombre de nos annonceurs pratiquent le home staging, délibérément ou inconsciemment. Compte tenu de l’importance actuelle des photos et du taux élevé de fréquentation du Net, les vendeurs en direct, plus investis, ne manquent jamais de faire un tour d’horizon des produits similaires aux leurs. Ils ont donc pleinement conscience de l’intérêt de le rendre attirant à l’œil de l’acquéreur potentiel. Cependant, il me semble que peu de gens sont prêts à dépenser deux ou trois mille euros, alors qu’il suffit de retrousser ses manches ou de faire appel à une société de services qui vous dépêchera une femme de ménage et, si nécessaire, une ou deux personnes pour transporter les meubles et objets qui doivent être mis hors de vue des visiteurs », conclut-il. Une analyse que partagent ­certains professionnels. Olivier Safar lui-même*, à la tête de plusieurs agences immobilières, se veut réaliste : « Si les vendeurs ont bien compris tout l’intérêt qu’ils ont à se lancer dans un grand rangement/nettoyage, pour autant, ils m’apparaissent plutôt réticents à aller plus loin et, surtout à rétribuer un spécialiste pour ce faire. »

Le négociateur fait visiter en priorité le bien mis en valeur

Pourtant, un appartement « home stagé » par un professionnel ou par son propriétaire s’avérera ­également plus attrayant aux yeux des agents immobiliers. Un négociateur sachant qu’il augmente ses chances de déclencher la vente moyennant un plus petit nombre de visites aura tendance à proposer en priorité les biens ayant bénéficié d’une prestation de home staging. Et les home stagers l’ont bien compris, qui ­prospectent activement les agences. « Il ne se passe pas de semaine sans que je reçoive une nouvelle proposition », relève Daniel Elbase, directeur de l’agence Laforêt de Sèvres (Hauts-de-Seine). Ce ­professionnel a lui-même expérimenté le concept, auquel il croit, même si ce n’est pas sans réserves. D’autres vont plus loin : considérant que, non seulement le home staging leur permet de réduire les délais de vente, mais également d’obtenir plus facilement des mandats exclusifs, ils commencent à proposer une consultation gratuite aux vendeurs qui acceptent de leur confier un tel mandat. Une façon pour les ­professionnels de se démarquer de leurs concurrents et d’offrir un service complémentaire.

Des prestations pertinentes pour l’appartement vide aussi

Efficace pour rendre plus attrayant un appartement que les vendeurs occupent toujours, le home staging peut être également pertinent pour mettre en valeur un logement proposé vide à la vente. Ce type de bien ne se présente en effet pas toujours sous son meilleur jour. Faute d’autres points susceptibles de capter l’attention du visiteur, celui-ci ne verra que la tapisserie légèrement défraîchie et, faute d’échelle donnée par le mobilier, il ne lui sera pas toujours facile de se faire une idée du potentiel d’aménagement de chaque pièce. Sans compter qu’un logement totalement vide peut susciter une sensation de malaise, ne serait-ce qu’en raison de l’acoustique, différente de celle d’un bien meublé. L’idée n’est d’ailleurs pas vraiment nouvelle : les promoteurs ont coutume de meubler et de décorer leurs appartements témoins…

Du mobilier loué pour l’occasion

Selon que le bien sera encore meublé ou non, la « logistique » sera différente : dans le premier cas, le home stager devra convaincre le vendeur de se séparer de certains meubles et objets (ou de les stocker dans la cave, voire dans un garde-meuble, mais non dans le garage, qui doit rester un espace dédié à sa fonction initiale). Alors que dans le second, il puisera le plus souvent dans son propre stock de mobilier et éléments décoratifs pour donner vie à l’espace. Les home stagers rompus à l’exercice ont recours à des ­astuces, telles que des lits gonflables ou des étagères factices. Le réseau Avéo propose même une série complète de meubles en carton qui font assez bien illusion.

Un nouveau look permet de relancer le bien sur le marché

Enfin, le home staging se révèle particulièrement pertinent pour donner un nouvel attrait à un bien resté trop longtemps sur le marché. Internet aidant, les candidats à l’acquisition sont prompts à ­repérer (pour les écarter) les ­affaires, souvent confiées à plusieurs agences et d’un rapport qualité/prix non satisfaisant, qui n’ont toujours pas trouvé preneur au bout de six mois ou plus. Pour remédier à une telle situation, il faut tout reprendre de zéro : d’abord, s’interroger sur le prix de vente et le revoir à la baisse s’il y a lieu, puis refaire une série de photos. Et c’est là que le home ­staging fera toute la différence : avec un look ­nouveau, le bien regagnera de l’intérêt. Une annonce « réécrite » et, si nécessaire, un nouveau choix d’agence(s) et il retrouvera la faveur des visiteurs…« Nos clients les plus motivés sont ceux qui n’ont toujours pas trouvé d’acquéreur six à dix mois après la mise sur le marché. Ils ont conscience d’avoir perdu un temps précieux et parfois coûteux, surtout si crédit relais et fléchissement des prix du marché se sont conjugués », constate Sylvie Aubin. Pour autant, il existe des cas désespérés : le home stager restera impuissant face à une maison délabrée, un appartement totalement vétuste. Dans ce cas, des travaux s’imposeront. Le vendeur devra alors, soit revoir son prix à la baisse, éventuellement en s’appuyant sur des devis, soit exécuter les travaux lui-même, quitte à faire ensuite appel à un home stager.

Statistiques éloquentes ou trop élogieuses ?

« Pour éviter toute déception, il faut savoir que si une intervention de home staging peut toujours être amortie par une limitation de la baisse du prix, cela ne signifie pas que le bien se vendra à un prix supérieur à celui du marché, souligne Sylvie Aubin. Il s’agit de retrouver sa mise, grâce à une négociation moins pénalisante, pas d’une recette miracle, comme le proclament certains sites Internet », conclut-elle. Mais quelle est donc la réalité des chiffres ? Le réseau Aveo vient de publier ses propres statistiques, en les rapprochant des données du marché fournies par la Fnaim et Century 21 (les chiffres retenus résultant d’une moyenne entre les deux ­sources). Ces ­statistiques font ressortir un délai moyen de vente de 19,5 jours pour les biens ayant fait l’objet d’une prestation de home staging, contre 127 jours sans cette prestation. Quant au taux de négociation, il est réduit à 3,24 % alors que la moyenne nationale s’établirait à 11,42 %, si l’on en croit la Fnaim. Des chiffres éloquents, même s’ils doivent être relativisés en raison de la faiblesse de l’échantillon considéré : 76 biens en tout et pour tout… Pour autant, le home staging « prendra-t-il » en France comme cela semble être le cas outre-Atlantique ?

Le home staging survivra-t-il à la crise ?

Alon Kasha, qui se revendique « créateur d’appartements clés en main », de nationalité américaine exerçant à Paris, n’en est pas convaincu : « Si les Américains pratiquent le home staging depuis deux ou trois décennies, c’est que outre-Atlantique, compte tenu de nos spécificités urbanistiques et architecturales, un bien à la revente se trouve pratiquement toujours en concurrence avec une construction neuve. Il faut donc se rapprocher le plus possible de l’état neuf. Et lorsque le marché est peu actif, il faut se distinguer des nombreux biens semblables proposés dans la même fourchette de prix », explique-t-il. Il estime par ailleurs qu’il n’y a guère plus de 20 % de biens « home stagés » aux états-Unis (les chiffres variant largement selon les états), loin des 80 % souvent avancés. Et reste globalement sceptique quant à la valeur ajoutée de la prestation. « Si les vendeurs d’un bien pensent à laisser les ampoules électriques en place, à nettoyer les vitres, voire à laisser quelques meubles en situation avant de quitter les lieux, c’est déjà très bien. À mon sens, conclut ce ­professionnel biculturel, la règle des 80/20 (principe de Pareto, selon lequel 20 % de l’effort permet d’atteindre 80 % des objectifs, ndlr) s’applique parfaitement au home staging. » Cela n’est pas si simple, selon Daniel Elbase, qui constate que 90 % des candidats à l’acquisition sont incapables de faire ­abstraction d’un décor « encombrant » ou de l’absence de décor, et de focaliser toute leur attention sur le bien lui-même. Encore moins de visualiser son potentiel s’ils ne sont pas ­guidés par une « animation visuelle ». Aussi croit-il au succès du home staging. Quant à ceux qui renonceront à cette prestation, ils risquent de ne pas vendre au mieux... une aubaine pour les 10 % ­d’acquéreurs qui ont l’oeil. Ils réaliseront sans doute d’excellentes ­affaires.

Françoise Juéry

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